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Rescapé du génocide arménien

Né en 1906 en plein cœur de l’Empire Ottoman (dans le sud de l’actuelle Turquie), Missak Manouchian est le quatrième et dernier enfant d’une famille paysanne.

En 1915, il survit au massacre des Arméniens par le gouvernement turc mais est orphelin. Après un bref passage en Syrie, Missak et son frère sont recueillis dans un orphelinat français au Liban où il apprend à parler et écrire la langue de Molière, et se prend de passion pour la littérature. C’est là aussi qu’il développe un attachement à ce pays, patrie des Droits de l’Homme qui semble protecteur et bienfaiteur… Il y apprend aussi le métier de menuisier.

 

Travailleur immigré

À 18 ans, il arrive en France et rejoint son frère Garabed à Marseille, comme réfugié apatride mais aussi comme travailleur. Après quelques mois, les deux frères montent à Paris et Missak intègre les usines Citroën en tant que tourneur. Très vite, son frère décède de la tuberculose.

Isolé, Missak Manouchian se rapproche de la mouvance communiste, mais aussi des membres de la diaspora arménienne de Paris. Comme de nombreux étrangers, il perd son emploi après la crise économique de 1929 et de la loi d’août 1932 instaurant des quotas d’étrangers dans l’industrie.

Entre deux périodes de chômage, le jeune homme enchaîne les petits boulots : et fréquente la bibliothèque Sainte-Geneviève située à deux pas du Panthéon ainsi que les universités ouvrières de la CGT.  

Engagement politique et rencontre avec Mélinée

Mélinée Assadourian, née à Constantinople (Istanbul) en 1913, fille de fonctionnaire, est elle aussi orpheline avec sa sœur aînée suite au génocide arménien. Elle arrive en France en 1926.
Le couple se rencontre à Paris en 1934 au sein du HOC, Comité de Secours de l’Arménie (l’Arménie est devenue soviétique depuis 1920-1921). Il l’épouse en 1936, quelques mois avant la victoire du Front populaire.

En 1938, après les purges au sein de l’Arménie soviétique, le HOC est dissous. Manouchian est alors chargé par le PCF de constituer dans l’Hexagone l’Union populaire franco-arménienne afin de regrouper tous les Arméniens de France favorables aux forces de gauche.
Restant attaché à l’Arménie, Missak Manouchian rêve aussi de devenir Français. En 1933, il fait une première demande de naturalisation, qui est rejetée.

La guerre 

Le 2 septembre 1939, le jour de la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne nazie, il est interné administrativement à la prison de la Santé : « Il est arrêté car il est doublement suspect, il est étranger et communiste, alors que le PCF vient d’être interdit quelques jours à peine après la signature du pacte germano-soviétique ». Quelques jours plus tard, le gouvernement radical-socialiste d’Édouard Daladier interdit toute association liée au groupe politique sur le territoire.

Mélinée Manouchian s’empresse alors de brûler toutes les archives laissées au siège de l’Union populaire franco-arménienne sur lesquelles sont notés les noms et adresses des partisans.

Sans preuves, Missak est libéré au bout d’un mois et rejoint l’armée française, conformément au décret d’avril 1939 qui prévoit la mobilisation des réfugiés et apatrides. Il profite de sa présence sous les drapeaux pour réitérer sa demande de naturalisation qui, à nouveau, n’aboutira pas

Après la victoire allemande de juin 1940, il est affecté à différentes usines, avant de rentrer à Paris début 1941. Il décide de s’engager peu de temps après dans la résistance contre l’occupant, au sein des forces communistes.

Entrée dans la lutte armée

En 1942, il est en charge d’un groupe d’Arméniens en région parisienne, qui mène des actions de renseignement et de propagande contre les forces d’occupation. En février 1943, suite à une première vague d’arrestations entraînant une réorganisation de la Résistance parisienne, Missak Manouchian prend la tête du bras armé de la résistance communiste.

La chute du réseau

L’action la plus spectaculaire et la plus emblématique du groupe parisien mené par Missak Manouchian est l’exécution en 1943, du colonel SS Julius Ritter, responsable de la mise en place du Service du travail obligatoire (STO), qui permet aux autorités allemandes de réquisitionner des jeunes Français pour les envoyer travailler outre-Rhin pour soutenir l’effort de guerre nazi.

Quelques mois après, tous les combattants du groupe sont identifiés et arrêtés. Mélinée, réussit à s’échapper.

Après avoir été torturés, certains sont déportés, tandis que les autres – dont Manouchian – sont les « acteurs » d’un grand procès spectacle organisé à des fins de propagande.

L’affiche rouge

Jugés devant le tribunal militaire allemand de Paris, les 23 résistants sont condamnés à mort le 19 février 1944. Il sera fusillé le 21 février 1944 au Mont-Valérien

Les autorités d’occupation placardent dans les rues de Paris et dans toute la France plusieurs milliers d’exemplaires d’une affiche montrant le visage d’une dizaine d’entre eux, les présentant comme des terroristes formant « l’Armée du Crime » : 7 juifs étrangers, un communiste Italien, un Espagnol rouge, et Manouchian est présenté comme un « Arménien chef de bande ». « Cette affiche est destinée à montrer à la population qu’elle est bien mal défendue, c’est-à-dire par des étrangers qui viennent semer la terreur et le désordre dans le beau pays de France ».

L’affiche rouge devient l’emblème du martyre des résistants.

De son côté, Mélinée poursuit ses actes de résistance au sein de la FTP-MOI et contribue à la libération de plusieurs villes françaises en traduisant en arménien des bulletins de liaison.

 

Interné à la prison de Fresnes, il adresse sa dernière lettre à Mélinée, qu’il signe Michel preuve de l’attachement qu’il porte à son pays d’accueil. Il s’y considère comme un soldat tombant pour la France tout en affirmant « n’avoir aucune haine contre le peuple allemand ».

 

À la Libération, la dernière lettre envoyée par Missak à Mélinée a été publiée pour la première fois dans le journal Libération. Elle a ensuite été rendue célèbre par Louis Aragon, qui l’a reprise dans son poème Groupe Manouchian, paru en 1955 dans L’Humanité, puis un an plus tard, dans Le Roman inachevé. Adaptée en chanson par Léo Ferré sous le titre L’Affiche rouge, celle-ci restera censurée jusqu’en 1981 par les médias français.

Mélinée et Missak Manouchian au Panthéon

L’entrée du poète et résistant Missak Manouchian et de son épouse Mélinée le 21 février 2024 au Panthéon, 80 ans jour pour jour après son exécution, est une façon pour l’Élysée de rendre hommage aux milliers d’étrangers engagés dans la Résistance et morts pour la Nation.

Comme l’indique la devise inscrite sur le fronton du Panthéon « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante », Missak Manouchian est honoré par la République pour son engagement durant la guerre, inséparable de son attachement à la France.

 

 

 

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