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De l’espagnol Mercado Común del Sur, le Mercosur signifie le Marché commun du Sud. Il s’agit d’une alliance créée en 1991 pour renforcer la capacité à rivaliser économiquement à l’échelle mondiale des membres fondateurs : l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay, le Paraguay. La Bolivie les rejoint en 2023. Se sont ajoutés des pays membres : le Chili, la Colombie, l’Équateur, le Guyana, le Pérou et le Suriname.

1. QU’EST-CE QUE LE MERCOSUR ?

Son objectif principal est de créer une zone de libre-échange en supprimant les barrières tarifaires entre ses membres. Il repose sur la libre circulation des biens et services, l’adoption d’une politique commerciale commune vis-à -vis d’Etats tiers et la coordination des politiques économiques. En d’autres termes, les économies de pays comme l’Argentine et le Brésil sont plus fortes ensemble que séparément. L’objectif du Mercosur est donc de permettre à ses membres d’avoir une plus grande influence économique en tant que collectif qu’ils ne le feraient individuellement

Le territoire couvert par le Mercosur s’étend sur plus de 14 millions de km². Il réunit près de 300 millions d’habitants et représente plus de 82 % du PIB total de l’Amérique du Sud. Il est considéré comme le quatrième bloc économique mondial après le partenariat économique régional global (RCEP), l’accord Canada-États-Unis-Mexique (Alena) et l’Union européenne

2. L’ACCORD ENTRE LE MERCOSUR ET L’UE

Après environ 25 ans de négociation – débutées en 1999, le 28 juin 2019, le Mercosur et l’UE signent un accord de libre-échange.

Le premier objectif est de promouvoir toute coopération et dialogue politique entre les deux alliances sur des questions de migration, d’économie digitale, de recherche, d’éducation, de droits humanitaires, de protection de l’environnement ou encore de cybercriminalité.

Le second objectif est de renforcer et d’accroître les relations commerciales entre les deux alliances mondiales, en éliminant, par exemple, des droits de douane. L’implantation des entreprises européennes et françaises est facilitée au sein de marchés en croissance. En retour, les producteurs du Mercosur peuvent exporter plus de produits alimentaires et agricoles vers l’Europe. Aujourd’hui, l’UE exporte vers le Mercosur pour un montant de 45 milliards d’euros et importe des produits du Mercosur pour 43 milliards d’euros.

3. UN ACCORD CRITIQUE DEPUIS 2020

L’accord prévoit une importante réduction des barrières tarifaires qui doit faciliter aux entreprises françaises et européennes l’accès à des marchés en croissance. Les entreprises européennes devraient également bénéficier d’une plus grande ouverture des marchés publics des pays du Mercosur. Concrètement, l’accord devrait permettre aux entreprises françaises et européennes d’exporter davantage de produits industriels et de services.

En retour, les producteurs du Mercosur devraient pouvoir exporter plus de produits alimentaires et agricoles vers l’UE. Il est pour cette raison souvent présenté comme un accord “viandes contre voitures”.

En 2020, une commission d’experts estime dans un rapport que l’accord pourrait aggraver la déforestation en Amérique du Sud mais pas seulement. La Commission estime que l’accord est trop fragile en ce qui concerne le principe de précaution, les engagements pris lors de l’Accord de Paris et que les normes de travail, de bien-être animal, environnementales et sanitaires ne sont pas alignées entre le Mercosur et l’UE.

Plusieurs gouvernements européens – dont la France – expriment rapidement après la signature leur opposition à l’accord en l’état, craignant des conséquences négatives sur leurs filières agricoles et alimentaires mais aussi sur l’environnement et la santé. L’Allemagne, le Portugal et l’Espagne poussent, en revanche, la mise en place de l’accord, notamment pour l’avenir de leurs industries.

4. LES CONSEQUENCES POSSIBLES

En France, le projet est rejeté en bloc par les agriculteurs, qui se sentent directement menacés par une “possible déferlante de viande en provenance de champions de l’élevage comme le Brésil et l’Argentine, sans respecter les normes sanitaires européennes” comme l’explique l’économiste Maxime Combes sur FranceInfo. La FNSEA, premier syndicat agricole français, appelle à la mobilisation nationale dès le 18 novembre 2024.

En Europe, l’Espagne voit en l’accord des opportunités commerciales majeures pour le pays, comme le rappelle régulièrement son premier ministre. L’Allemagne ne cache pas l’espoir de débouchés pour sa puissante industrie automobile, face à la féroce concurrence chinoise. Selon le vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis, l’accord augmenterait de 15 milliards d’euros le PIB de l’UE et de plus de 11,4 milliards celui des pays du Mercosur.

Plus largement, les milieux écologistes montent au créneau contre l’accord : intensifier les échanges de deux alliances mondiales contribuent au réchauffement climatique, à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et à la déforestation en Amazonie. Des experts annoncent une augmentation de 5% à 25% par an de la déforestation au cours des six premières années de sa mise en application. En 2020, une étude PAN mentionnait la présence de pesticides interdits ou réglementés dans des aliments en provenance du Brésil vers l’UE.

5. OU EN EST L’ACCORD EN 2024 ?

« L’accord UE-Mercosur “tel qu’il est aujourd’hui négocié est un très mauvais accord, pour vous et pour nous”, déclarait Emmanuel Macron en février 2024 lors d’un Forum économique à Sao Paulo. “Dans cet accord il n’y a rien qui prend en compte le sujet de la biodiversité et du climat. Rien! C’est pour cela que je dis qu’il n’est pas bon”.
L’arrivée des produits du Mercosur en France est vue comme une concurrence déloyale. Tous les syndicats agricoles sont d’accord.
“Ne pas produire avec les mêmes normes que nous sur des exploitations immenses comme au Brésil ou en Argentine, c’est de la concurrence déloyale. On a l’agriculture la plus vertueuse au monde. Pourquoi aller chercher ailleurs ? “, s’inquiète Gabriel Beaulieu, vice-président des Jeunes agriculteurs du Loiret. “On va importer du soja brésilien aux OGM, c’est incompréhensible”.

Un rapport de 2020 alerte sur le risque d’accroître les émissions de gaz à effet de serre et la déforestation en cas de hausse des exportations sud-américaines de viande bovine, ainsi que sur les risques sanitaires.

Les modes de production dans les pays du Mercosur et dans l’UE ne sont pas les mêmes. Les limites maximales de résidus (LMR) brésiliennes sont “dans la plupart des cas plus hautes” que les normes européennes et françaises. Le rapport critique l’absence d’exigences contraignantes quant aux modes de production (alimentation des animaux, bien-être des animaux ou utilisation des produits phytosanitaires).

Son avis n’est pas partagé par tous les pays européens et le vote d’opposition de la France ne suffira pas : si la Pologne et l’Autriche y sont aussi opposées, c’est encore insuffisant, quatre États minimum sont nécessaires pour constituer une minorité de blocage. Reste à savoir ce que souhaitent l’Italie, l’Irlande ou les Pays-Bas, réservant leur position.
Pour faciliter la ratification, la Commission européenne peut choisir de sortir le volet commercial et permettre son adoption séparée du reste de l’accord.

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